HOME > Feature Articles > 【L’Esprit des Ryukyu】Série 4 (HIDEN 08/2023)「Machida Hatsuko SENSEI」

AGEDA DOJO POUR FEMMES/AGEDA DOJO CORPORATIF
Encore une fois, nous allons visiter un endroit unique en son genre
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Après 10 ans de pratique dans son propre Dojo, qui servait principalement à enseigner aux employées de sa Société, Hatsuko Machida Sensei décida d’ouvrir le “Ageda Women’s Dojo” à la fin des années 90.  Elle reste la 1ère de la Préfecture d’Okinawa à n’avoir enseigné qu’aux femmes.  Ces élèves sont réputées pour leurs démonstrations ainsi que performances à l’étranger et particulièrement à Hawaii et en Nouvelle-Zélande.  Plusieurs ont obtenu des titres et médailles, notamment aux Championnats du monde en 1999.

Je voulais surtout ouvrir la porte aux femmes qui ne sont pas douées en sport!”

La facade de “Ageda Air Conditioning Food Equipment Co., Ltd.” Le Dojo occupe tout le dernier étage.

Le Dojo occupe tout le sommet d’un immeuble de 4 étages adossé à une colline couverte de pins et de végétation tropicale.  Le paysage est magnifique avec vue sur la mer de Chine. L’accès au Dojo se fait par une entrée principale depuis un joli parc situé tout en haut.  Un imposant escalier intérieur ainsi qu’un petit escalier extérieur, menant aux bureaux des étages inférieurs font ressembler cette bâtisse à un “Donjon”.  Un grand parking avec camions et quai de chargement nous fait réaliser que nous sommes dans un bâtiment industriel.

Entrée principale côté montagne.

Un Dojo de 35 ans qui a vu beaucoup d’élèves.

Vue du coucher de Soleil sur la mer de Chine.

Au “Ageda Women’s Dojo”, la plupart sont des ceintures noires de haut-niveau.  Elles ont de 40 à 60 ans ou plus et viennent 2 fois par semaine.  Ce soir et malgré que le taux de Covid soit le plus élevé de tout le Japon, la présence est impressionnante.  Certaines sont fidèles depuis les tous débuts.  On y sent une grande passion et le silence y ajoute une touche monacale comparé aux autres Dojo.  Je suis exceptionnellement invité à me joindre au cours et probablement le seul élève mâle ayant jamais été admis.  Curieusement la plupart m’ignore comme si je n’existais pas et c’est tant mieux!  Toutefois, je ne pourrai jamais oublier cette expérience…

Le slogan féministe des années 70 disait; “Derrière chaque grand homme, il y a une grande femme”.
Même si c’est souvent vrai, l’inverse se produit aussi
. 

Quand son mari, Machida Soukei Sensei, commença la construction de l’immeuble dans les années 80, il avait déjà l’intention ferme de créer un Dojo corporatif pour ses employés.  Ceci permettrait de pratiquer les 10 codes du succès souvent repris par les grandes entreprises japonaises, comme la persévérance, l’entraide, la ponctualité, etc…  Machida Sensei y ajouta ses propres valeurs concernant la santé, la joie, l’entente, ainsi que les règles du Bushido pour une meilleure harmonie au travail.

Il a donc fallu que je revienne un autre soir pour assister au cours “employés”.  Je suis venu plus tôt afin de pouvoir m’échauffer à mon rythme, car souvent les cours démarrent sur les “chapeaux de roues” à Okinawa! J’ai été récompensé par un sublime coucher de Soleil en mer de Chine…. Soudain, une horde de ceintures-noires surgit du corridor qui dessert l’escalier interne et chacun salue presque militairement.  Toutefois, l’ambiance est beaucoup plus cool que la dernière fois avec les dames.  Quand Machida Sensei débarque à son tour, on sent l’amour et le respect pour ce chef d’entreprise et Maître de Karaté peu commun.  Le cours est superbe (Kihon-keiko, Sanchin et 8 Kata en apéro).  Quel esprit d’équipe et de soudure dans ce groupe!  Le tout sous la houlette du Big Boss qui n’a jamais à élever la voix.  Si j’´étais plus jeune, je demanderais à bosser dans cette entreprise!  Je ne m’attendais pas du tout à cela.

Pour cet article, nous allons devoir partager les questions habituelles avec nos 2 Sensei; Hatsuko 7e Dan et Sokei 8e Dan Uechi-Ryu.


Biographie de Machida Hatsuko.

Ageda women’s Dojo Kancho. Uechi-ryu Kyoshi 7e Dan.
Auditrice à Ageda Air Conditioning Food Equipment Co., Ltd.
Née à Okinawa City en 1949.  A commencé le Karaté en 1989 et ouvert “Ageda Women’s Dojo” en 1999.  Toujours actif à ce jour
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Practice du Kata Uechi-ryu “Kanshu”. A chaque pas le sol renvoie un écho dans tout le Dojo!

Soukei Sensei démontrant le “Shoken” avec l’index replié visant un point vital.

Démonstration en gros plan du “Shoken”.

(1-) Comment êtes-vous venu au Karaté?

Hatsuko-sensei:
J’ai réellement commencé lorsque mon mari Sokei a créé notre Dojo d’entreprise.  Je fus sa première élève… En fait, je n’avais jamais pratiqué un sport avec régularité et j’avais toujours cru que le Karaté n’était que pour les hommes.  Comme je n’étais pas en bonne condition physique, j’ai commencé doucement sur la base d’une fois par semaine.  Je venais de franchir la quarantaine et sortais juste de la mission d’élever des enfants.  J’ai continué ma pratique et découvert une passion au point que je l’ai étendue en suivant mon mari qui s’entraînait aussi au Dojo de son maître Shigeru Takamiyagi.  Celui-ci dirigeait le fameux “Chatan Dojo”.  Ainsi, je dois dire que j’ai 2 “Shisho” (mentor)… 

Soukei sensei:
Pour moi, ce fut après une agression en rentrant tard d’un cours du soir quand j’étais étudiant.  J’avais pris une rouste en étant incapable de me défendre!  Le lendemain je m’inscrivais à un Dojo de Goju-Ryu.  Mais comme aucun Kumite n’y était enseigné, je suis parti vers un Dojo de Shorin-Ryu.  Il semblerait qu’il n’y avait que des Kata à l’époque, mais je voulais apprendre rapidement à me battre.  La solution fut le très populaire “Funtenma Dojo”(Shubukan, récemment ouvert en 1958) et dirigé par Uechi Kanei (1911-1991).  Ce Dojo était réputé pour la castagne… Il accueillait des guerriers Américains de constitution supérieure par rapport aux plus petits Okinawaïens.  Mais j’étais grand aussi… A cette époque, les Kumité se transformaient souvent en combats sanglants entre les 2 communautés -Les locaux refusant de perdre la face avec l’envahisseur- Cependant, au Funtenma Dojo, une forte amitié virile avec le respect de l’autre ont fait aussi partie de son étiquette.  Le jour où j’y suis entré, j’avais 20 ans.  Trois assistants transpiraient profusément.  Il s’agissait de Takara Shintoku, Inada Hiroshi et Takamiyagi Shigeru… Ils sont tous devenus Hanshi 10e Dan et mes amis; notamment Takamiyagi Shigeru (1935-2014). 

Hatsuko-Sensei bloquant le Tsuki de Daniel-Sensei et contrant avec un Shoken Tsuki.

Blocage et contre avec le Mae-geri caractéristique du Uechi-Ryu avec l’orteil en pointe.

(2-) Quelles sont les caractéristiques de votre Dojo?

Hatsuko-sensei:
Répandre le Karaté traditionnel d’Okinawa auprès des femmes de cette préfecture dans un Dojo pour femmes uniquement.  J’avais été une femme fragile qui n’aimait pas transpirer, ni souffrir et j’ai découvert la pratique des Kata et du Kumité avec des hommes très durs!  Mes bras et mes jambes étaient toujours couverts de bleus et mes amies étaient très surprises.  Donc quand une femme vient en me disant : “Je ne fais pas de sport” ou encore: “Je ne suis pas bonne en sport”, je lui dis :”Si vous devenez fidèle et régulière, vous réussirez!”  J’ai une merveilleuse disciple qui a commencé à 63 ans et qui à passé son 4e Dan à 75 ans. 

(3-) Quel est votre Kata ou Waza préféré?

Hatsuko-sensei:
Parmi les 8 katas Uechi-ryu, mon favori est “Sanseiryu”.

(4-) Quel est le souvenir le plus marquant avec votre Maître?

Hatsuko-sensei:
Quand Takamiyagi Sensei m’a demandé de créer un Club féminin.  Quand je lui ai dit que j’acceptais le challenge d’enseigner à des femmes hésitantes ou qui risquent d’abandonner facilement, malgré leur envie de faire du Karaté, il m’a dit: “Si tu en as le souhait, fais-le et ça marchera!  Tu dois essayer.” Il ajouta: “C’est le moment pour toi de passer ton 4e Dan.  J’ai pu ensuite ouvrir cette session spéciale grâce à la gentillesse et discipline stricte de Takamiyagi Sensei ainsi qu’au soutien de mon mari.

Uechi-ryu Hanshi 10th Dan, Takamiyagi Shigeru Sensei (1935-2014). Il fut le Maître et l’ami proche du couple Machida.

Hatsuko & Soukei Sensei et leur fille ainée Maki (1973)

(5-) Quelle est la différence entre Okinawa Karaté et le Karaté Japonais?

Soukei sensei:
Chaque école a ses propres caractéristiques, mais en ce qui concerne le Uechi-ryu, son essence (Shinzui神髄 ) est la même que l’on soit à Tokyo ou Okinawa.  En tous cas, cela devrait se pratiquer avec cet état d’esprit.

(6-) Enseignez-vous parfois aux étrangers? 

Hatsuko-sensei:
Dans le passé, oui, mais plus maintenant…
Takamiyagi Sensei parlait couramment l’Anglais et nous faisions des stages à l’étranger tout en visitant nos Dojo affiliés Uechi-Ryu.  Nous sommes allés aux USA, Suisse, Allemagne, Yougoslavie et Serbie. 

Soukei sensei:
Actuellement, tous mes élèves sont mes employés, mais dans le passé, j’enseignais beaucoup aux étudiants internationaux de l’Université des Ryukyu. Takamiyagi Senpai, était professeur à l’ Université et m’envoyait les étudiants qui désiraient apprendre le Karaté.  Sinon, au “Chatan Dojo” de Takamiyagi Senpai, il y avait beaucoup d’Américains des bases, mais aussi des Yougoslaves et des Serbes et j’´étais son assistant.

Deux positions d’attente de deux styles différents.

Entraînement au Makiwara.

(7-) Que pensez-vous de la popularité mondiale du Karaté?

 Hatsuko-sensei:
En tant que Okinawaïenne, je ne peux que me réjouir de ce fait.

(8-) Que pensez-vous du Karaté de compétition ou olympique?

Hatsuko-sensei:
Je pense que c’est une bonne chose que le Karaté ait attiré l’attention du monde entier durant les Olympiades de Tokyo.  Toutefois, Shinzui神髄 (l’essence) du Karaté-Do, risque de ne pas être respectée si le Karaté devient un sport.

Soukei Sensei:
Reisetsu礼節 (courtoisie, bonnes manières) sont très difficiles à inculquer; surtout chez l’enfant. Si la compétition devient plus populaire!  C’est normal pour les jeunes que de vouloir se mesurer aux autres et de tester leur force.  Evidemment, lorsque l’on monte en grade et que l’on a passé ce cap, on ne fait plus trop cela. La courtoisie est une chose que l’on apprend et que l’on devrait démontrer avec la progression.  Le temps de maturité pour les Karatéka varie et les passages de grades varient chez nous en fonction des Dojo.  Dans notre Dojo, il faut attendre 4 ans pour un Shodan, mais il y a des endroits où c’est plus rapide.  Nous pensons que la régularité à l’entraînement est aussi importante que la durée pour la progression physique et mentale.

Soukei Sensei corrigeant Daniel Sensei sur une technique importante du Uechi-Ryu.

Soukei-Sensei est un Maître attentif à tout.

(9-) Que signifie pour vous l’engagement dans le Karaté à notre époque?

Soukei sensei:
De nos jours, il n’y a plus trop de respect pour la vie et le faible. Ainsi, enfants, femmes, vieillards, etc… deviennent victimes journellement de violences.  Ceci arrive moins dans les régions qui pratiquent le Budo. Les Karatéka commettent moins de crimes.  Il existe une immense signification et responsabilité dans l’héritage des arts-martiaux que l’on doit passer aux futures générations. (Machida Sensei ne dit pas “Karate-Do”, mais plutôt “Martial-arts Karate”) 

Kata “Seisan”, qui demande puissance explosive et vitesse.

Un Dojo au plafond très haut.

(10-) Comment voyez-vous le futur du Karaté?

Hatsuko-sensei:
J’aimerais que mes élèves reprennent le flambeau  et augmentent le nombre de Dojo où les femmes peuvent apprendre notre Karaté traditionnel.  J’aimerais aussi que l’on éduque mieux les enseignants du Karaté.

(11-) Avez-vous un message à dire au monde?

Soukei sensei:
Ma haine envers mon assaillant du passé est devenue de la gratitude pour m’avoir ouvert au Karaté.  J’aimerais construire un monde meilleur grâce au Karaté, car il est supposé apporter la vraie force physique et mentale qui va de paire avec la courtoisie.  Le “Martial arts Karate” n’a rien à voir avec le talent, la jeunesse, la force, la beauté ni la laideur…. Il suffit simplement d’avoir le courage de ne jamais abandonner la pratique quel que soit son niveau.

Membres du “Uechi-ryu Ageda Women’s Dojo”.

Membres du “Ageda Employee Dojo”.

(12-) Que signifie “karaté” pour vous?

Hatsuko-sensei:
Une partie de ma vie… Les jours d’entraînement, je viens quelque soit ma condition physique ou mentale.  Ou alors, il faut vraiment qu’il y ait une bonne raison!

Le mot final de Daniel Sensei:
Votre couple a vécu une succession de synergies et votre vie est merveilleuse!  Je suis ému encore et toujours par cette visite, dans un Dojo également unique et aux concepts fabuleux.  Au travers du Karaté, vous offrez force aux femmes ainsi qu’un travail de qualité à vos clients, qui doivent ressentir l’éducation supérieure de vos employés.  Merci à vous deux.


Daniel Mardon; le Karateka-Thérapeute 

Créateur de la méthode Aromapressure® et physiothérapeute également licencié aux U.S.A.; Daniel Mardon est né à Paris.   Une de ses spécialités est l’enseignement et le traitement des lymphoedèmes ainsi que des dommages tissulaires et circulatoires consécutifs aux chirurgies et traitements par radiothérapie.  Sa méthode est utilisée en collaboration avec des Instituts médicaux ainsi que des associations, pour des traitements pré et post-chirurgicaux.     Il fut également physiothérapeute pour deux équipes de football à Paris.    Dès 2005, il fut le producteur de Spas pour de grands hôtels Japonais, tout en œuvrant pour l’enseignement et l’éveil à un plus haut niveau sur les professions de santé.   Auteur de plusieurs livres, une de ses publications majeures est “Physiothérapie et physiologie du travail du corps” (Editions BAB Japan), ainsi que des DVD comme “Daniel Mardon Aromapressure® Method ” (Pony Canyon).   Daniel Mardon apparaît régulièrement dans des émissions de TV, radio ainsi que de nombreuses publications dans les médias.

『身体療法の生理学とボディワーク』(The Physiology of Somatic Therapy and Bodywork)
Co-écrit par Daniel Mardon et Yuko Takahashi En vente à présent sur le site BAB Japan!