texte par Satoshi Taito, traduction par Lionel Lebigot
Le Kama, arme des ashigaru (fantassins), s’est développé différemment du sabre japonais, symbole du samuraï. Dans l’article précédent, Hayasaka Yoshifumi sensei, nous a présenté l’art du combat de Ryûkyû au kama. Dans ce numéro, il nous présente le fusôgama-jutsu, art japonais du combat au kama son histoire, ses techniques et ses caractéristiques.
Développement des arts de combats à la faucille sur les champs de bataille du Japon
Le kama est un outil agraire que les agriculteurs utilisent pour leur tâches quotidiennes. Il n’est pas difficile d’imaginer qu’il été utilisé comme arme par les samuraï de rang inférieur qui s’occupaient d’agriculture en temps de paix et devaient se tenir sur le champ de bataille lorsque la guerre éclatait. De plus, certaines anciennes armes à long manche, comme la hallebarde, ont des lames de faucilles, ces armes furent développées dans le but d’attaquer les cavaliers ou trancher les jarrets des chevaux.
Une arme telle que le nagigama (longue faux), capable d’attaquer un ennemi et de le désarçonner fut d’une grande aide au milieu de la férocité d’un combat. Il existe plusieurs types d’armes longues munies de lames en forme de faux qui furent utilisées sur les champs de bataille, ainsi le Jûmonji-kamayari (lance au fer en forme de croix) du Hôzô’in-ryû.
Les kama à manches courts furent aussi utilisées sur le champ de bataille. La plupart des champs de bataille au Japon sont situés dans des zones humides, cernés de berges de rivières et de collines. Le kama fut un outil important pour l’aménagement des positions militaires dans de tels endroits. Bon nombre des soldats de rang inférieur chargés d’installer le camp militaire étaient issus du milieu agricole et, familiers du maniement de cette faucille, ils débroussaillaient, coupaient l’herbe pour nourrir les chevaux et autres tâches. Equipé d’une faucille, un soldat peut s’infiltrer furtivement derrière les lignes ennemies et saboter les installations. Si le soldat rencontre un ennemi, il peut immédiatement changer la fonction de la faucille et en faire une arme de combat.
Dans cet article, , Hayasaka Yoshifumi shihan du Kingai-ryû-Okinawa kobudô va nous parler de l’art japonais du combat à la faucille.
Hayasaka shihan nomme l’art japonais du combat à la faucille « fusô-kama-jutsu . » Dans la Chine ancienne, « Fusô » désignait un arbre sacré dans la mer de l’Est où le soleil se lève, au Japon, son sens est différent et désigne l’art japonais du combat à la faucille. Tout en s’entraînant en Okinawa-kobudô, Hayasaka-shihan s’est intéressé à l’histoire des arts martiaux japonais et a étudié le Kensô-ryû jûjutsu sous la direction de Maehara Seizô-shinhan.。Par l’intermédiaire de Maehara-shihan, il entend parler de Kashiwa’ura Kakudô-shihan à qui il décide de rendre visite. Malheureusement, à cette époque, Kashiwa’ura-shihan était déjà décédé. Initiée à l’art de son époux, Mme Kawashi’ura lui fit don des densho (manuels de combat) et autres armes/outils de ninpô.
Hayasaka Shihan nous explique comment il a étudié l’art japonais du combat à la faucille, Fusô- kamajutsu.
Le professeur de Kashiwa’ura Sensei était Kobayashi Kotarô, qui, comme Fujita Saiko, était membre du Kôga-ryû. Mon sensei de shuriken, Satoshi Saito, fut élève de Fujita Saikô dans ses dernières années. J’ai eu la chance de recevoir les enseignements de ces deux professeurs. Par la suite, tout en poursuivant l’art du combat à la faucille de Ryûkyû, j’ai continué mes propres recherches sur l’art japonais du combat au kama.
L’art japonais du kama-jutsu varie en taille et en forme, du yari-kama, faucille attachée à un long manche semblable à une lance, au nisun-kama, assez petit, 6cm, pour être caché dans la paume. Il existe différentes tailles de manche de kama : un est aussi long qu’un wakizashi, un dont un croc est fixé à la base de la faucille, et un nagigama à long manche dont la longueur équivaut à celle d’une perche de six pieds. Parmi les koryû (courants classiques), on trouve des dôjô qui se limitent au seul enseignement de kama et d’autres qui mêlent kama et autres armes.
Au fil des années, Hayasaka-shihan a collectionné diverses armes anciennes, d’âges et de formes variées, il nous montre les techniques propres à divers kama.
Techniques de kama-jutsu transmises au sein du Kôga-ryû
Mme Kashiwa’ura, experte dans l’art de son défunt mari enseigna à Hayasaka-shihan des techniques de combat au kama, parmi lesquelles, des techniques de i’ai-battô/dégainé/tranché au kama. Habituellement performé en solo, elles sont aussi exercées avec un partenaire qui dégaine un katana.
Dans la forme solo, l’exécutant est assis sur le sol, avec une faucille sur son côté gauche. Saisie avec la main gauche, puis passée dans la main droite pour finir par couper l’adversaire en diagonale. La technique de tranchage est la même que celle du i’ai-battô. Hayasaka-shihan pare l’attaque de son adversaire de son kama, puis frappe en diagonale pour crocheter avec la lame de sa faux. Ensuite, il tourne le kama et entaille le cou de l’adversaire.
Dans le kumi kata, Hayasaka-shihan démontre la technique consistant à tirer le kama contre le katana de l’adversaire, à abaisser la lame vers le bas, puis à appliquer la faucille sur le cou pour contrôler l’adversaire. Cette technique consiste à utiliser le kama en réponse à une variété de coups d’épée, comme les coups horizontaux et les coups verticaux.
Jin-kama-jutsu (kata solo et kumite)
Relation entre nagigama et bôjutsu
Le nagigama, longue hampe enchâssée d’un kama, est une arme qui peut être utilisée de la même manière que les autres armes à long manche, bō, de naginata et de lance. La saisie de nagigama dans sa partie inférieure est très similaire à celle du Muhi-ryû.
Saisissez nagigama par son extrémité inférieure, faites-la pivoter vers le haut et abattez le katana de l’adversaire. En bô-jutsu, c’est une technique pour frapper le katana dans le but de le briser, mais avec nagigama, la lame de celui-ci pénètre dans la poitrine pour un coup fatal. Au cas où l’adversaire esquiverait d’un recul, son poignet, sa main ou ses doigts risqueraient d’être entaillés. Le simple fait de fixer un kama à l’extrémité d’un bô démultiplie son rayon d’action létal. Différents courants (ryû) enseignent l’utilisation d’armes sans fers en temps de paix (y compris entrainements) et fixent des fers en temps de guerre. Si vous avez la connaissance de l’art du bâton, vous pouvez maîtriser nagigama sur le champ de bataille.
Nagigama-jutsu (bô de paix et pointe de guerre)
Courte et longue distance
Les nisungama, petites faucilles de 6cm, plus pratiques à transporter et a dissimuler ont largement fait preuve de leur efficacité pour les assassinats, les raids et l’autodéfense.
Pendant certaines batailles des kama à la lame inversée, fushigama, étaient utilisées par les soldats de base et les ninja. Saisie en gyaku-te, le long de l’avant-bras, le soldat ou ninja dissimulé, tranchait la jambe d’un ennemi. Lors du uke-waza, l’attaque peut être fortement reçue le long du coude, et au moment du contre, la lame sort, allongeant cette attaque, la cheville ou la gorge de l’adversaire sont des cibles privilégiées. L’escrime au kama, particulièrement efficace, se base sur des mouvements tels que mouvements circulaires et coups de coude.
Fushigama 1
Fushigama 2
Le « mikazukigama », faux à lame en croissant est une arme à double tranchant, épaisse, très efficace dans les situations de guet-apens. D’une position basse, genou à terre, attendez l’ennemi, et au moment opportun, dressez-vous et visez sa gorge.
Mikazukigama
Bashin (aiguille à saigner) et tsumetogi (coupe-ongle) outils très important pour l’entretien des chevaux et de leurs sabots, équipiers essentiels pour la mobilité des soldats, d’outils de travail des palefreniers, dans des mains expertes, elle est passée au rang d’arme de guerre. Cachée au creux de la main, tsumetogi devient une arme très efficace. Shinobi-kama aussi nommée takanotsume (griffe de faucon) était utilisée pour maitriser un ennemi, lui sectionnant la gorge.
Armes cachées « ni-sungama/kama de 6cm »
Shinobi-kama (Takeda, Sanada)
La hampe d’un nagigma présente l’inconvénient d’être rigide et encombrant, le manche d’un kama le rend, certes maniable, mais court. Pour pallier à ces possibles inconvénients, on créa le kusarigama : kama auquel il fut rajouté une chaîne. Parant l’attaque de la chaîne ou du kama, vous pourrez contre-attaquer efficacement.
Sur le manche, l’attache de la chaîne des différents kusarigama n’est pas au même endroit. Certains kusarigama ont leur chaine attachée à l’extrémité du manche et d’autres ont leur chaine attachée juste sous la lame, chacun a sa propre utilisation. Le kusarigama dont la chaîne est attachée à l’extrémité « lamée » est considéré comme une variante du bâton à chaîne, soit une combinaison d’un bâton et d’un poids. La chaîne attachée à l’extrémité du manche est tournée et frappée, et lorsque le moment est venu, le kama est utilisé pour viser l’intérieur du poignet, puis trancher la gorge. Celle dont la chaîne est attachée à l’autre extrémité est utilisée avec la chaîne dans la main gauche et le kama dans la main droite. La chaine lestée de la main gauche est projeté pour accrocher l’arme, la contrôler, raccourcir le ma’ai en relative sécurité, de son côté, la faucille est destinée à attaquer l’adversaire.
Hayasaka-shihan nous raconte l’anecdote suivante :
Technique enseignée par Saitô-sensei : sur une attaque jôdan de katana, la chaine du kusarigama intercepte la lame, d’un pas, l’agressé comble l’écart et capture arme et corps de l’adversaire avec la chaîne.”
Puis il ajoute que Saitô-sensei était très féru de ce genre de technique qui représente les bases de son ryû.
Kusarigama-jutsu
Concept d’utilisation entre art du combat au kama okinawaïen et japonais.
On dit qu’il y a une différence de concept entre l’art du combat au kama au Japon et à Ryûkyû.
La technique de base des techniques de kama à Ryûkyû utilise deux faucilles. Un kama dans chaque main, ils doivent agir indépendamment afin d’ attaquer et de défendre efficacement. Dans le Ryûkyû-kobujutsu, nichôgama, on utilise la dynamique corporelle du tûdî, les techniques de kakete et kurite qui doivent être directement appliquées à la fluidité propre au kama.
” Je pense que le kama utilisé dans le Ryûkyû-kobudô fait appel à plus de techniques circulaires. manche en appui sur l’avant-bras et le kama tranche à la manière d’un coup de coude. Une autre technique consiste à attaquer en ligne basse, déséquilibrer l’adversaire et l’attaquer au cou dans sa chute. Dans ce genre de situation, il faut utiliser la dynamique du tûdî qui créé une grande puissance.
Basiquement, la technique du kama est une, sous bien des aspects, il ressemble au kenjutsu ou au bôjutsu. “
(NdT : Naturellement, le sol de Ryûkyû était dépourvu de minerai de fer, le paysan, le soldat de base n’était donc équipé que d’outils/arme de bois. Seuls les riches Aji possédaient des armes ferrées (d’importation). Au Japon, la situation était différente, les armes ferrées équipaient les armées.)
Le Ryûkyû Kama nu tî utilise les principes et dynamique du tûdî pour mouvoir le kama, tandis que le Fusô kama no te utilise les principes du combat à l’épée, du combat au bâton, du combat au naginata et du combat à la lance.
Kobudō kenkyūkai Meijinkan
Hayasaka Yoshifumi